#220


Souvent, le plus souvent la nuit, une fois que le vent tombe, que les chiens n'aboient plus que par dépit, quand installé dans les bas fonds de mon être, je patauge dans ma propre boue, méprisant le moindre bruit de ce monde endormi, souvent, trop souvent oui, j'ouvre une bouteille d'alcool de riz et regarde passer les heures allongé sur le toit d'un immeuble en buvant seul sous la lune. Mon ivresse ne cesse de la fixer droit dans son oeil jusqu'à deviner une ombre grise au sein de sa pupille blanche. Suis-je devant l'échographie d'un foetus attendant de naître depuis la nuit des temps ?


Je sens d'ici son angoisse remuer telle une bête capturée vive se réveillant en sursaut à l'étroit, au coeur d'un ventre froid. Il tremble comme une fièvre plongée dans l'eau bouillante. Si je ferme les yeux un instant et me concentre bien, j'entends redescendre jusqu'à moi son hurlement sans voix portant la terreur d'exister un jour. Son pouls bat désormais contre le mien. Chacune de ses pulsations est un coup que je reçois. Comment pourrais-je résister plus longtemps au passage à tabac d'un cri qui veut sortir de là ? 



Comment ne pas remarquer les impacts, les empreintes de tous les coups qu'il a donné en vain pour percer sa coquille. Par quel face sortira-t-il la tête ? Par quel cratère ? Abul Wáfa ? Bullialdus ? Chang Ngo ? Da Vinci ? Epigenes ? Freud ? Gutenberg ? Hatanaka ? Izsak ? Joliot ? Kant ? Harpalus ? Isabel ? Joy ? Kasper ? Louise ? Mandel'shtam ? Nasireddin ? Osiris ? Paracelsus ? Quetelet ? Romeo ? Schubert ? Thiel ? Ukert ? Volta ? Webb ? Xenophanes ? Yablochkov ? Zeno ?


Je l'imagine sortir par une des lettres de cet alaphabet de cratères et hurler, huler dans le vide de ma pensée enfantée par un simple regard sur la lune.




Aujourd'hui de blanc vêtu sur les cosaques des frontières 

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