#391


Ce matin la ville semble le reconnaître. Il regarde sa lumière, l'effroi d'un rêve confus encore dans les yeux... et ça le calme, la pudeur de cette clarté voilée de brume, le silence des rues encore nu de toute parole, la blancheur du soleil innocent aux premières heures du jour. À la fenêtre l'air frais est presque amical. La ville cherche-t-elle à se réconcilier avec celui qu'elle ne reconnait pas comme un des siens, cet étrange étranger dont elle ne sait rien, ni d'où il vient, ni ce qu'il fait là ?



Il parait très jeune, ses traits sont encore en enfance. Mais son regard vide, ses silences où souvent il s'absente, sa façon d'être seul aussi — seul avec lui-même, seul dans la rue au milieu des autres — trahissent son apparente innocence. Quelque-chose d'invisible, d'indicible en lui semble avoir vieilli plus vite que son visage. On ne saurait lui donner un âge. Vingt ans ? Non, ce serait bien trop triste d'être aussi sérieux à vingt ans... Sous certains profils, on pourrait supposer qu'il est un peu d'ici. Sous d'autres en revanche, on a la certitude qu'il vient de loin.



Un jour la ville s'est adressée directement à lui. Elle l'a interpellé dans la rue alors qu'il marchait et lui a aussitôt posé la question, indiscrète, presque impolie « — toi ! tu viens d'où ? » et il répondit calmement, en détournant les yeux, d'une voix égarée « — de n'importe où... de nulle part... je ne me souviens plus...»




Commentaires