#488

nous sommes en guerre, caché dans la forêt, notre petit groupe de résistants fait la fête, cherche un peu de joie dans ces tristes moments. Nous sommes sous un chapiteau , la musique, tout le monde danse, on grille des viandes à côtés, sous des arbres géants. Je remarque quatre gros chiens (dont un chow chow ) de quatre couleurs différentes, qui s'approchent du barbecue, ils sont silencieux mais je les crains, ils couvent une colère sous leur silence... Je rentre sous le chapiteau, les gens dansent, heureux, Je vois deux chiens noirs au milieu d'eux, qui se fraient un chemin parmi les jambes qui dansent, l'un d'entre eux mord un mollet, le cri de la victime couvert par la musique, les gens continuent de danser mais peu à peu le chapiteau se vide, nous ne sommes plus qu'une poignée à danser... derrière le voile de plastique orange, on se doute que quelque-chose se passe...La musique s'arrête, silence apeuré de la foule, des voix en langue étrangère, très autoritaires, donnent des ordres. Nous voyons tous nos camarades encerclé par des hommes et leurs chiens. Nous sommes sommés de partir. Malgré la peur, je vais chercher dans un tiroir quelques affaires, ma carte d'identité, mon appareil photo et mon iPad. Je mets mon sac tout en marchant, nous nous enfonçons dans la forêt, un camarade à côté me dit : sais tu où ils nous emmènent ?


Five Penny, Wild, Yen Bai. Onctueux, doux et floral. 55.000 đôngs. Quel plaisir de retrouver le thé vert. Il tiédit l'âme si froide ce matin. Un bout de gâteau pâteux et chimiquement sucré offert par la maison. Me force à finir par respect pour l'attention. Après chaque bouchée, mâche un bout de mức gừng pour passer le goût du supplice. À gauche la même fille, derrière le même type. On se dit bonjour. Rien d'autre. Ici chacun reste dans son coin. C'est pour ça que je viens. Être seul parmi d'autres solitudes. Je baille à répétition. Sous les tags un type par terre affalé sur lui même à côté d'un bouquet de fleurs. Je me lève, prends en photo. L'autre habitué m'adresse soudain la parole : «— comment tu parles aussi bien la langue ? — 10 ans que je suis ici. — Mais tu as quel âge si je peux me permettre ? — 34 ans.» Son visage se décompose devant mon apparente jeunesse. Il semble presque gêné. Ou bien ma présence soudain le met mal à l'aise. Je ris intérieurement. Et me délecte du choc que je provoque. Me rends compte que j'ignore le nom du serveur au polo vert. Je ne le demanderai pas. J'aime la relation de politesse entretenue avec son anonymat. Nous parlons du temps. qui passe. Qu'il fait. Nous parlons des enfants obèses. De ce qu'on mange dans les mall. Nous parlons des bons ou mauvais mức gừng. Des embouteillages. Nous parlons De la pollution. Des fleurs. De Saigon. Nous parlons 10 minutes quand j'arrive. Puis nous nous taisons, chacun retiré dans notre fatigue d'exister.


Je marche sous le caniard. M'arrête un quart d'heure manger je ne sais plus quoi, sans faim aucune. Ça finira en diarrhée. Puis je repars errer, croise une Ferrari jaune-cocu, des masseuses probablement belles derrière leur couche de maquillage, des touristes perdus, le gris d'une façade. Puis j'arrive sur mon bout de trottoir. «— Toutes les tables sont réservées à partir de 17 h 30» dit le gérant. J'accepte sachant que les clients viendront au moins une heure en retard. J'ouvre le journal, cherche à écrire quelque-chose. J'attends qu'une phrase surgisse en fumant une raison.


Le mégot écrasé. Toujours rien. À quoi bon forcer... Je m'arrête ici pour aujourd'hui ? Non paresseux ! Il y a toujours quelque-chose. Prends le temps d'ouvrir les yeux. Elle par exemple, si mignonne en robe noire et bottines en cuir marron, qui a l'air de chercher un lieu où s'arrêter. Elle traverse l'écriture quelques secondes et disparait à jamais, au coin de la rue. Qu'en reste-t-il ? Une envie de faire l'amour à son visage.


Sur le trottoir, la boîte à cirage aussi seul que moi. 


Une autre bière. Déjà plus de 17 heures 30. Pancarte "reserved" sur les tables toujours vides. Le gérant s'impatiente. Une poussette passe avec un petit qui se frotte les yeux comme ma fille quand elle a sommeil. Derrière les vitres des bus, les touristes regardent sur notre terrasse la vie d'une ville dont ils ne connaîtront jamais rien. Quoique. Y'a peut-être un type parmi eux, qui un jour, reviendra sur cette terrasse où l'on boit sur le trottoir pour s'asseoir à son tour... et regarder immobile la ville tourner en rond.


La nuit est tombée d'un coup comme on éteint la lumière.  J'ai la migraine. Un sac de Mực khô et basta.

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