#548


je le vois souvent, expatrié blond qui vire au blanc. Il fait probablement plus jeune que son âge, toujours très élégant, d’une élégance si méticuleusement travaillée qu’elle vire parfois au ridicule. Je ne dis pas ça pour me moquer. Au contraire, je ressens soudain de l’empathie pour son allure burlesque. Son corps semble l’encombrer. Je l’imagine chez lui devant son miroir, se recoiffant, choisissant son costume du jour, son jean, celui-là, ce jean parfait selon lui, bien trop petit selon moi, chaussé d’improbables boots pointues en daim marron-sombre. Sous la chemise trop cintrée, le ventre rentré reste rond, les probables bières bues tous les soirs, au même bar de nuit. Accoudé au bar, devant une silver Tiger, même pas ivre, il cherche un peu de romance dans le regard des hôtesses épuisées. Il ira là-bas ce soir. Il n’est que midi, lourde chaleur l’avenue est bouillante. Il regarde en se recoiffant le café d’où je le regarde. Il hésite à rentrer. Moi j’hésite à le prendre en photo. Lui qui marchait jusque là le plus droit possible, il se courbe un instant, pensant n’être plus regardé. Petit moment de faiblesse physique. Il éponge sa sueur, de la manche on dirait un acteur qui s’éponge le front entre deux scènes, dans les coulisses. Puis il se redresse et repart bien droit, tête haute, sourire charmeur, chemise ouverte sur le torse velu grisonnant. J’ai déjà croisé par ici son sourire coincé, sa bouille de vieil ado amoureux. Il semble plutôt heureux de vivre ici. Je le devine à son air. D’ailleurs qu’est-ce qui nous amène au même endroit, au même moment. Malgré tout ce qui semble nous séparer, je me reconnais en lui. Je ne sais pourquoi, mais je suis certain que nous sommes tous deux restés vivre ici pour la même raison.

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